Interview Guillermo Moreno, Dtor en Pharmacologie Cannabinoide

Durant la dernière Feria Expogrow 2017 à Irun, dans l'espace du Cannabis Box Forum, nous avons pu interviewer Guillermo Moreno, pharmacologue, neuroscientifique, et qui est depuis 2008 aux Etats-Unis pour son doctorat en Pharmacologie Cannabinoïdes à l'Université de Californie et qui travaille dans le laboratoire du Dr. Daniele Piomelli, un pionnier dans la connaissance de la pharmacologie endocannabinoïde.

Dans cet entretien pour Alchimia, Guillermo Moreno revient sur son expérience aux Etats-Unis, sur différents sujets d'actualité, concernant le cannabis médical et récréatif, mais également sur les avancées scientifiques et sur la législation du cannabis.

Transcription de l'entretien de Guillermo Moreno durant l'Expogrow 2017 d'Irun :

P -Nous sommes avec Guillermo Moreno, pharmacologue, neuroscientifique, il a vécu aux Etats-Unis ces dernières années à l'Université de Californie, d'abord pour passer son doctorat et ensuite pour y travailler. Avec toi nous pouvons parler de plusieurs sujets, ta thèse comme ton travail sont centrés, je crois, sur le système endocannabinoide. Tu as également cultivé, je suppose que tu consommes, mais tu es également dans un endroit où le cannabis est vu d'une autre forme, n'est-ce-pas ? En Californie ?

R -Oui, c'est vrai. Je suis partie en 2008 en Californie, avec une bourse Fullbright pour terminer mon doctorat en pharmacologie Cannabinoide dans le laboratoire du Dr. Daniele Piomelli, qui est un pionnier pour nos connaissances sur la pharmacologie endocannabinoides, surtout dans l'élaboration de médicaments qui altèrent ou modulent le système endocannabinoide. Davantage sur l'effet que peuvent avoir les molécules de la plante sur notre système. Je me rappelle quand je suis parti, ils m'ont demandé comment j'allais faire aux Etats-Unis pour avoir du cannabis ect, pour l'usage récréatif et je me suis dit que je trouverais bien une solution. J'ai donc été surpris quand je suis arrivé, de voir une industrie installée pour le cannabis thérapeutique dans lequel les gens ne fumaient pas, mais se soignaient. Les utilisateurs n'étaient pas des « fumeurs », mais des « patients » et le cannabis était vendu dans des boîtes, comme s'il s'agissait d'iboprophéne à la pharmacie. Le cannabis se vendait donc dans ces boites, pas de sac zip qui s'ouvrent ect, pour que les enfants ne puissent pas l'ouvrir et c'était écrit « pour utilisation médicale uniquement ». C'était quelque chose qui m'amusait beaucoup, mais c'est quelque chose de très sérieux. Mon médecin, ma carte de patient de Californie, mon dispensaire me donne cette médecine qui est la meilleure pour moi ...il y avait bien sur une liste, je ne sais pas moi, de 25 maladies différentes pour pouvoir avoir le droit à une ordonnance. La mienne c'est ma voisine du Dernigman qui est acupunctrice, parce que les acupuncteurs peuvent aussi faire des ordonnances en Californie. C'est vraiment une scène très Sui Géneris.

P -C'est bizarre non ? La façon de distribuer à présent. Aujourd'hui c'est différent, ça a beaucoup changé ? Toi qui as vécu ça de l'intérieur pendant presque 10 ans ?

R - Oui, c'est aussi pour mon intérêt de recherche. Apporter, finalement, un peu plus de connaissances dans le monde du cannabis, aussi bien pour la réduction des risques, mais aussi pour exprimer tout le potentiel de la plante. J'ai des contacts avec différents groupes d'activistes comme « NORML » par exemple, c'est une organisation doyenne de l'activisme, dans les programmes de légalisation, mais aussi pour différentes Feria Cannabiques, qui ont énormément évolué ces 10 dernières années.

Guillermo Moreno avec Dr. Mariano García de Palau
Guillermo Moreno avec Dr. Mariano García de Palau

Ce marché légal a entraîné, un peu le système américain d'aller toujours aux limites et de forcer un peu, si je peux planter, je peux vendre la fleur, mais je peux aussi faire des comestibles, des brownies et autres, et depuis quelques années à cela s'ajoute tout ce qui concerne les extractions. Elles ont vraiment changé l'utilisation du cannabis, aujourd'hui en Californie il y a pratiquement 50% d'utilisateurs de fleurs et 50% d'utilisateurs de concentrés.

Les vaporisateurs sont très répandu et s'adressent également à des gens qui n'avaient jamais consommé du cannabis, qui ne connaissent pas la plante, qui ne savent pas rouler, et qui ne veulent pas fumer, parce qu'en Californie finalement ce qui est recherché c'est un style de vie sain et la vaporisation, même si on ne connait pas les risques de la vaporisation d'huile, nous connaissons les risques de vaporiser certains éléments qui sont utilisés pour couper cette huile et nous savons qu'ils sont très nocifs, mais bon, on apprend sur le tas. C'est aussi quelque chose qui est bien dans l'esprit d'entreprendre en Californie.

P -Tu nous expliquais la façon de distribuer, je pense que cela a changé aussi avec la Légalisation pas seulement du cannabis médicinal mais également récréatif, aux Etats-Unis. Je pense que la carte de patient n'est plus nécessaire, au moins en Californie, n'est-ce-pas ?

R - En Californie, ils viennent de voter. En Californie ça s'est fait en novembre de 2016, en même temps que les élections qui nous ont apporté Trump et ce qui s'est passé c'est que le Bureau de régulation du cannabis Médicinal a été créé. Ce bureau a été créé pour légaliser l'utilisation médicinale, qui a été approuvée depuis 1996. Il n'y avait aucun type de régulation, ce bureau a donc été créé comme en 2015 pour une régulation du marché thérapeutique, mais un peu en réponse à ce qui se voyait venir après les exemples du Colorado, de Washington, d'Oregon et de l'Alaska, et du rejet en Californie de la Proposition 19 en 2012, ils sont restés hors jeu, cela c'est vu venir, ils ont pris une responsable du Bureau qui gère l'alcool et ils l'ont mis en charge du Bureau qui gère le cannabis. Une série de protocole a donc été créée, des normes qui gèrent de la culture, à la récolte, du stockage à la vente, et une série de licences que les villes vont pouvoir gérer comme ils veulent.

P -Tu es en contact avec les scientifiques qui travaillent sur le cannabis, surtout aux Etats-Unis. L'Académie Nationale des sciences a rendu il y a peu un rapport sur le cannabis ? que tu connais bien je crois. Que peux-tu nous dire sur le sujet ?

R - Le Dr. Piomelli a été l'un des experts qui a rejoint l'Academie Nationale, et j'ai eu l'opportunité de participer en écrivant le chapitre de Biochimie et Pharmacologie des composants des phytocannabinoides et j'ai donc un peu participé à cette étude.

C'est intéressant parce que c'est une révision qui ce fait pour la première fois depuis 1999. Il y a eu quelques pétitions pour la DEA, qui est l'agence qui régule la classification du cannabis dans la liste des substances contrôlées. A l'heure actuelle le cannabis occupe une place privilégiée, on peut dire, c'est le nº1 du classement avec d'autres drogues qui n'ont pas d'effet médical reconnu et avec un fort pouvoir d'addiction. Cela a été créé par Nixon dans les années 70, et ça continue jusqu'à aujourd'hui. Il y a eu plusieurs pétitions pour la DEA, pour que cela change. En réalité cela dépend du département de justice, c'est un processus un peu long mais l'Institut de Médecine a fait une évaluation en 1999 et ce nouvel effort accompagne les changements d'époques en quelque sorte.

Guillermo Moreno au Expogrow 2017
Guillermo Moreno à l'Expogrow 2017

Autrement dit, le cannabis arrive, il y a de nombreux États, je crois qu'il y a 29 États qui ont légalisé l'utilisation thérapeutique, 8 qui ont l'utilisation récréative et bon, l'Académie ne veut pas rester en retard et ils lancent une Proposition d'Agenda d'Investigation. C'est un appel, cela combine les secteurs publiques et privés pour créé un marché dans lequel les investisseurs peuvent travailler et décider quels sont les risques et les bénéfices réels du cannabis, en prenant en compte qu'aux Etats Unis il y a une augmentation de la consommation, probablement une diminution de l'âge d'initiation, même si cela n'est pas très clair.

Ce que je veux dire c'est que les Etats Unis qui ont légalisé depuis des années, n'ont pas non plus noté une légère augmentation, mais quelque chose qui selon moi est une alarme sociale. Donc ce qui est étrange c'est que ce rapport de l'Académie ajoute clairement une nouvelle indication pour le cannabis dans les applications thérapeutiques comme les douleurs chroniques, qui avait toujours été bon, c'est une chose que tous les patients avaient décrit, et d'ailleurs les douleurs chroniques sont la raison pour laquelle le plus de patients utilise du cannabis aux Etats-Unis, 64%, mais il n'y avait pas encore de source officiel qui relatait cela. C'est donc le message que lance l'Academy National avec une analyse de toute la bibliographie qui est disponible, et qui pour le moment, n'ont pas été récupéré par les autorités qui se chargent de déplacer le cannabis du Groupe 1 au groupe 2, ce qui faciliterait énormément l'accès pour les chercheurs.

P -Ce serait le travail de la FDA dans ce cas non ?

R - Oui, le responsable de cela est le procurer général, il s'appelle Jeff Sessions et a déjà déclaré qu'une personne décente ne fume pas de cannabis. Tout devient grotesque avec la nouvelle administration , avec le chargé de presse qui dit que ce n'est pas la même chose le cannabis médicinal et le cannabis récréatif, et que cela ? bon, ce monsieur a démissionné, il n'a plus de responsabilité. Ce n'est pas possible de le prendre au sérieux, mais vous vous rendez compte du type de personne chargée de prendre ce type de décision, on va dire qu'avec l'administration Obama ? Obama a toujours dit qu'il écouterait les scientifiques, qu'il ferait ce que disent les scientifiques, qu'il n'était pas expert, ou il n'a au moins pas souhaité le reconnaitre à ce moment, mais ce n'était pas à lui de prendre la décision, il s'est caché derrière le Senat, le Congrès, pour dire que cela était une décision commune et non une initiative personnelle, mais que c'était le Fiscal General et le Departement de Justice qui pouvait prendre de cette décision.

P - Dans tous les cas le rapport est ici et on verra si une décision est prise un jour. On verra ?

R - L'industrie est en pleine expansion, ce serait vraiment bizarre que les Etats-Unis laissent passer l'opportunité. Disons qu'Israël a toujours servi de modèle aux Etats-Unis pour de nombreuses choses et dans ce cas également, le Canada est en train de passer devant avec Trudeau, qui a été très clair durant toute sa campagne sur sa position par rapport au cannabis, et même l'Australie est en train de devenir un acteur majeur sur le plan international. Il serait donc vraiment étrange que les Etats-Unis ne fasse rien, surtout en prenant en compte l'intérêt de l'actuel président pour le commerce, ce serait vraiment étrange si l'argent n'avait pas d'importance, n'est-ce-pas ?

P -Parlons d'autre chose, pas seulement de législation. Comme scientifique tu travailles sur le cannabis (système endocannabinoïde) ? explique-nous un peu ce qui va se passer dans un futur proche ? Car nous sommes entrain de faire des découvertes, nous avançons, nous comprenons son fonctionnement. Quel est selon toi le futur proche du cannabis ? Dans ce cas médical, je suppose ?

R - Oui, bon c'est vrai que le système endocannabinoïde comme objectif thérapeutique est un système relativement nouveau car nous l'avons découvert dans les années 90, une fois que nous avons découvert où s'unissait le THC dans le corps et même s'il s'agit d'une médecine jeune pour dire ainsi, de nouveau effort ont été faits. Autrement dit, j'ai travaillé durant de nombreuses années pour créer des molécules synthétiques qui seraient capables d'augmenter les niveaux endogènes, c'est-à-dire les molécules crée par l'organisme et qui activent les mêmes récepteurs que le cannabis quand l'organisme à besoin d'une activation de ce système. Le système endocannabinoïdes est donc très complexe avec d'autres systèmes hormonaux et de neurotransmition, et possède en général ce qui est décrit comme un effet modulaire et de maintien de l'homéostasie ou de l'équilibre physiologique.

Guillermo Moreno avec Alchimia
Guillermo Moreno avec Alchimia

Donc la vérité c'est que les efforts avec des molécules synthétiques aussi agonistes, qui sont des molécules qui activent les récepteurs directement ou des stratégies très similaires à d'autres connus par d'autres systèmes, comme la sérotonine ou la dopamine, n'ont pas donné de résultat clinique. Vraiment, les drogues qu'il y a, pardon les drogues, les médicaments qu'il y a sur le marché, qui sont capable d'interagir avec le système endocannabinoïdes sont : le THC synthétique, un dérivé synthétique du THC qui ne s'utilise presque plus, et un extrait de plante qui mélange le THC et le Cannabidiol (CBD) dans une proportion 50/50. On peut donc dire que pour l'instant les molécules de la plante sont celles qui offrent le meilleur profil de sécurité, parce qu'il y a également eu des efforts pour bloquer ces récepteurs qui ont donné de graves problèmes d'effets secondaires et bon, ce qui reste pour l'instant ce sont les phytocannabinoïdes, et je pense que le défis de ces molécules est leur disponibilité. En comprenant comment nous déplaçons ces molécules, de la plante ou de l'extrait, à l'endroit de l'organisme où elles doivent agir. Parce que bon, les voies d'administrations les plus classiques sont orales, que ce soit ingéré avec la nourriture ou sous forme de gouttes, et inhalé, en fumant ou vaporisant. On peut donc dire qu'il s'agit d'une application systémique qui transporte ces molécules dans tout l'organisme, elles sont sujettes à un métabolisme dans le foie .. bon, la voie inhalé diminue cela, mais bon c'est ce qui explique un peu la différence d'effet entre les edibles (comestibles) et ce qui est inhalé.

Et je crois qu'il y a du chemin à faire dans cette direction, je crois que les indications pourraient être plus modestes. Peut-être que nous ne pouvons pas soigner le cancer, ou au moins toutes les formes de cancer, ou peut-être que nous ne pouvons pas soigner la douleur ou nous ne pouvons pas diminuer la douleur ou tous les types de douleur, ou tous les types d'inflammations, mais je crois que l'administration sélective, dans les organes ? peut-être quelque chose qui a comme objectif le gros intestin par exemple, en parlant de colon irrité, de colite ulcéreuse, de maladie de crohn, ou peut être une application topique pour des problèmes particuliers comme l'acné ?

P -Le Psoriasis ?

R -Oui le psoriasis, autrement dit des processus inflammatoire qui ne sont peut être pas une menace mondiale, mais pour la personne qui en souffre c'est un problème. Ou alors les analgésiques, ce n'est pas non plus que nous en ayons des quantités infinies. Autrement dit nous avons 3 ou 4 familles d'analgésique, si tu es allergique à l'un d'eux comme c'est le cas des anti-inflammatoires non stéroïdes (comme une grande partie de la population), il reste le paracétamol et les opioïdes? nous n'avons jamais trop d'alternatives thérapeutiques pour rejeter ce système comme objectif. Et bon, des efforts sont fait pour d'autres familles pharmacologiques comme pour les opiacés par exemple, il se donne ? l'armée des Etats-Unis donne à ces soldats blessés durant les combats des chupachups de fentany alors qu'en même temps le fentanilo a créé une crise brutale d'addiction aux opiacés aux Etats-Unis, et bien l'administration dans les muqueusee orales garantit une absorption plus rapide et une pharmacologie plus favorable ? c'est juste un exemple. Nous avons à présent une capacité de raffinement technologique avec lequel nous pouvons injecter des substances à l'intérieur des articulations, je ne sais pas comment le dire, les outils sont là ! Il faut voir si ces molécules à l'endroit correct et dans des doses correctes, permettent d'augmenter l'efficacité thérapeutique et de diminuer les effets secondaires.

P - Nous verrons si nous arrivons jusque là .

R - C'est l'objectif, c'est l'utopie. Nous verrons, au moins sur le plan thérapeutique je crois.

P - Et bien Guillermo merci beaucoup pour ton temps. Merci beaucoup pour nous avoir expliqué ton expérience et à très bientôt

R - A bientôt, merci.


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09-11-2017 Alchimia news

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