Les mutations du cannabis
Liste de contenue
Une mutation est un changement aléatoire dans la séquence ou l'organisation des nucléotides de l'ADN (génotype) ou de l'ARN d'un être vivant, entraînant une variation de ses caractéristiques. L'ARN et l'ADN sont des polymères constitués de longues chaînes de nucléotides. La plupart des mutations n'affectent qu'un seul nucléotide ou une très petite région de l'ADN sur les milliards de nucléotides qui composent le génome. Ce sont ces mutations minimes qui sont responsables de la variabilité génétique au sein d’une espèce. Sans mutations, nous serions tous identiques et, surtout, nous serions incapables d'évolution et d'adaptation.
Pour le dire autrement, les mutations sont des « erreurs » dans le code génétique du cannabis qui ont pour conséquence un développement particulier de la plante.
À quoi sont dues ces mutations ?
La structure en double hélice de l'ADN est faite d'une base sucre-phosphate et de paires de bases liées entre elles par des interactions hydrophobes. Les mutations au sein d'une séquence d'ADN se produisent au cours de la division cellulaire. Les cellules sont équipées de mécanismes de réparation qui vérifient toutes les paires de bases (adénine appariée à la thymine et cytosine appariée à la guanine). Mais il arrive que ces mécanismes ne fonctionnent pas correctement et qu’ils produisent une correspondance incorrecte conduisant à une mutation.
Certaines mutations passent inaperçu. Dans ces cas, la paire de mésappariements produit en fait le même acide aminé (cette action est connue sous le nom d' « appariement bancal »). Mais, les mutations peuvent être dues à nombre d’autres causes, qu'il s'agisse de l'ajout, de la suppression ou de la substitution d'une base.
Les mutations se produisent aléatoirement au cours de la division cellulaire. Mais elles peuvent également être induites, par exemple, par l’exposition à certains produits chimiques. Il existe deux formes de mutation principales : mutation germinales et mutations somatiques. Les mutations germinales sont transmises à la descendance. Ce n’est pas le cas des mutations somatiques.
Comment les mutations affectent-elles le cannabis ?
Une mutation peut s’avérer bénéfique, nuisible ou même passer inaperçu. La génétique du cannabis – et de tous les autres êtres vivants – doit répondre à certaines exigences pour permettre la survie de l’espèce.
Les changements dans l’ADN d’une plante peuvent l’affecter de nombreuses manières et modifier, par exemple, sa structure, sa couleur, la forme de ses feuilles, son taux de germination, son rendement ou encore sa capacité photosynthétique pour ne citer qu’eux. La majeure partie des mutations qui n’engendrent pas de handicap entrainent un développement inhabituel mais pas problématique pour autant. La plante présente donc des caractéristiques inattendues qui n’affectent pas sa santé.
Un exemple parmi tant d’autres : certaines mutations dotent les feuilles d’une couleur particulière ou d’un nombre étonnant d’apex ou de branches. Bien que la plupart des cultivateurs rechignent à l’idée de cultiver des plantes difformes, ces mutations ne sont pas nocives. Observer l’évolution d’une plante de cannabis mutante peut même s’avérer enrichissant et divertissant.
La polyploïdie apparait naturellement lors de la germination. Cette mutation rare est due à des erreurs lors de la division cellulaire. Mais elle peut également être induite par un produit chimique hautement toxique appelé colchicine.
Comment se perpétuent les mutations du cannabis ?
Le meilleur exemple de maintien de mutations nous est fourni par l’Australian Bastard Cannabis (ABC) qui développe des feuilles petites, lisses et dépourvues de dentelures. Cette plante aurait été aperçue pour la première fois à Sidney – d’où son nom – durant les années 1970. Bien qu’elle produisît à l’origine très peu de THC, les multiples sélections ont permis d’augmenter sa production de cannabinoïdes.
La forme, la taille et la dentelure inhabituelle de ses feuilles font de l’ABC une variété idéale pour qui désire assurer la discrétion de sa culture de marijuana. En effet, il est peu probable que les passants sachent de quoi il s’agit. Plusieurs breeders clandestins qui se sont attaqués à la génétique ABC ont carrément affirmé avoir produit des hybrides aux caractéristiques proches de celles de la vigne – notamment la capacité à former des tiges s'entremêlant les unes autour des autres. Cette mutation semble néanmoins extrêmement rare et n’a pas pu être observée au-delà de ces quelques expériences.
Mises à part sa rareté et son apparence inhabituelle, développer des caractéristiques propres à la vigne ne semble pas s’avérer bénéfique pour le cannabis. C’est pourquoi aucune variété de ce type n’a jamais été commercialisée. De plus, l’anatomie des feuilles de l’ABC semble être le fait de gènes hautement récessifs, ce qui explique les échecs par lesquels se sont soldées toutes les tentatives de stabilisation.
Quoi qu’il en soit, l’isolement de mutations et leur introduction dans des variétés actuelles n’est pas une activité sans risque. Elle pourrait en effet conduire à un tourbillon de mutations indésirables qui pourraient se propager dans la génétique de la marijuana.
Variétés de cannabis hors du commun
Le cannabis est connu pour donner de belles plantes, mais certaines sortent des standards avec des caractéristiques particulières et surprenantes qui ont poussé certains breeders curieux à travailler, stabiliser et croiser ces lignées uniques pour créer de nouvelles plantes originales. Nous vous présentons ici quelques unes des génétiques de cannabis originales les plus célèbres.
Ainsi, lorsqu’un breeder fait face à une mutation nouvelle, il croise la plante qui la porte jusqu’à ce que cette mutation aléatoire soit reproduite de manière systématique dans l’ensemble de la descendance. Mais il s’agit d’une opération particulièrement complexe aux résultats souvent incertains.
Les boutures peuvent-elles aussi connaitre des mutations ?
Les graines de marijuana sont produites par propagation sexuelle et contiennent ainsi des gènes de chacun de ses parents. La graine – et la plante qui en nait – est donc génétiquement unique et susceptible de manifester des mutations. Les boutures, elles, ne peuvent pas en manifester car elles sont des répliques exactes d’une plante mère. Elles en ont d’ailleurs même l’âge cellulaire. En d’autres termes, un bouture réalisée il y a une semaine sur une plante alors âgée d’un mois n’est pas âgée d’une semaine mais bien d’un mois et une semaine.
Réaliser des boutures à partir d’une plante mère est clairement la méthode d’obtention de plantes identiques la plus efficace. Dans certains pays où la culture du cannabis est légalisée, c’est d’ailleurs la méthode de culture la plus courante. C’est, en effet, celle qui permet le plus efficacement de répondre aux exigences d’uniformité extrême émanant des consommateurs.
Pourtant, certains cultivateurs expérimentés affirment que les boutures perdent en puissance avec le temps. Ce processus serait dû au phénomène de dégradation clonale qui consiste en une distanciation génétique toujours plus importante entre la plante mère et le clone au fil des générations. En résultent des plantes plus faibles, aux rendements inférieurs et plus sensibles aux parasites et aux champignons.
D’autres affirment que des mutations génétiques sont susceptibles d’apparaitre dans les populations de boutures à mesure de leur croissance et que les mutations en question peuvent se propager via la réalisation de nouvelles boutures. Les recherches révisées par les paires qui explorent la complexité génétique du cannabis sont encore rares. Leurs conclusions doivent donc être prises avec des pincettes. Il convient néanmoins de souligner que certaines études suggèrent que la variation phénotypique (c'est-à-dire la variation des caractéristiques physiques) au sein d’une population de boutures de plantes de cannabis serait due à des mutations sporadiques dans les séquences ADN.
En fait, selon une théorie de la génétique de l'évolution connue sous le nom de « cliquet de Muller », les génomes d'une population asexuée (une population de boutures) sont condamnés à accumuler un nombre croissant de mutations irréversiblement nuisibles, qui empêchent in fine la plante de se développer et de prospérer. Certains interprète cette fatalité comme une sorte de justice végétale pleine de poésie. La nature nous manifesterait ainsi sa préférence pour la reproduction sexuée des populations végétales.
—--
Références :
- Regenerant Arabidopsis Lineages Display a Distinct Genome-Wide Spectrum of Mutations Conferring Variant Phenotypes. Caifu Jiang, Aziz Mithani, Xiangchao Ga & Jiannis Ragoussis.
- The accumulation of deleterious genes in a population—Muller's Ratchet. JohnHaigh.