Ergot et acide lysergique (LSD)

L'acide lysergique, mieux connu sous son dérivé LSD ou diéthylamide de l'acide lysergique, a été au centre de nombreuses recherches scientifiques, de mouvements culturels et même de légendes urbaines. Mais saviez-vous que tout a commencé avec un petit champignon qui pousse sur le seigle ? Ce champignon, connu sous le nom d'ergot, a eu un impact énorme, depuis le déclenchement d'épidémies au Moyen Âge jusqu'à être à la base de l'un des psychédéliques les plus puissants que nous connaissons aujourd'hui.

Dans cet article, nous explorerons ensemble comment une petite spore contenue dans un grain de seigle peut se transformer en quelque chose d’aussi puissant et mystérieux. Nous parlerons de l'histoire de l'ergot, de la façon dont l'acide lysergique a été découvert et de la façon dont cette découverte a changé le cours de la médecine et de la culture populaire. Alors asseyez-vous, ouvrez votre esprit et préparez-vous pour un voyage époustouflant à travers le monde des champignons, de la chimie et de l'histoire. Allons-y!

Qu'est-ce que l'acide lysergique ?

Vous avez probablement entendu parler du LSD, n'est-ce pas? Eh bien, l’acide lysergique est une molécule clé dans la création de ce célèbre psychédélique, et son histoire et son origine sont vraiment fascinantes. Tout commence par un petit champignon appelé ergot (Claviceps purpurea), qui pousse sur les grains de seigle et autres céréales. Au Moyen Âge, ce champignon faisait des ravages car, consommé accidentellement dans le pain, il provoquait de graves intoxications et des maladies comme l'ergotisme. Cependant, quelque chose d'incroyable est ressorti de ce problème: les scientifiques ont découvert que l'ergot contenait des composés chimiques alcaloïdes très intéressants, aux propriétés thérapeutiques prometteuses.

Eh bien, l'acide lysergique est l'un de ces composés. Dans les années 1930 et 1940, un chimiste suisse nommé Albert Hofmann effectuait des recherches sur ces composés et, par hasard, réussit à synthétiser le LSD à partir de l'acide lysergique. Cette découverte a révolutionné à la fois la science et la culture, le LSD étant devenu d’une part un outil important dans l’investigation de l’esprit humain et d’autre part une icône de la contre-culture des années 1960.

Mais pour en revenir à l’acide lysergique lui-même, comme nous le savons déjà, c’est une molécule qui constitue la base de la création de plusieurs composés, dont le LSD. Il s'agit pour ainsi dire d'une sorte de brique chimique qui, une fois modifiée, peut avoir des effets surprenants et véritablement puissants sur le cerveau humain, étant l'une des substances hallucinogènes les plus connues et les plus utilisées au monde. En fait, aujourd'hui, les champignons hallucinogènes sont généralement classés en trois grands groupes: ceux qui produisent de la psilocybine, comme la plupart des champignons magiques que vous connaissez, ceux qui produisent du muscimol, comme les amanites, et ceux qui produisent de l'acide lysergique, comme notre protagoniste d'aujourd'hui.

Comment est produit l’acide lysergique ?

Nous avons vu que l’acide lysergique est synthétisé dans le champignon appelé ergot, tandis que le LSD est un dérivé de l’acide lysergique. Ce champignon a un cycle de vie assez complexe et pendant une partie de ce cycle, il produit plusieurs alcaloïdes, dont notre protagoniste d'aujourd'hui.

Nous résumons ici comment ce processus de synthèse se produit dans le champignon:

• Infection des plantes: L'ergot infecte les plantes céréalières, principalement le seigle. Lorsque le champignon infecte les fleurs des céréales, il remplace le grain en développement par une structure appelée sclérote, où est stockée une grande quantité d'alcaloïdes.
• Production d'alcaloïdes: Au sein du sclérote, le champignon produit plusieurs composés chimiques, appelés alcaloïdes de l'ergot, qui possèdent des propriétés chimiques et pharmacologiques intéressantes. L'acide lysergique fait partie de ces alcaloïdes, bien que sous sa forme naturelle, il soit lié à d'autres molécules pour former des composés plus complexes, comme l'ergotamine.
• Synthèse de l'acide lysergique: À l'intérieur du champignon, l'acide lysergique est synthétisé grâce à un processus biochimique qui implique plusieurs étapes et des enzymes spécifiques. Une partie du métabolisme du champignon utilise des acides aminés comme le tryptophane, qui, par une série de réactions enzymatiques, conduisent à la formation de structures plus complexes, comme l'acide lysergique. À son tour, cet acide constitue une base pour la production d’autres alcaloïdes plus gros et plus complexes.
• Stockage dans le sclérote: Une fois synthétisés, l'acide lysergique et ses dérivés sont stockés dans le sclérote de l'ergot. Ces sclérotes sont des structures dures et sombres qui remplacent les grains de céréales infectés.

Sous sa forme naturelle, l'acide lysergique ne se trouve pas libre mais au sein de molécules plus complexes. Pour isoler l’acide lysergique pur, il est nécessaire de décomposer ces molécules, un processus qui se fait en laboratoire. Plus tard, et lorsqu’il est manipulé chimiquement, il peut être utilisé pour synthétiser des composés tels que le LSD.

Ergotisme: effets de l'acide lysergique

L'ergotisme, également connu sous le nom de «feu de Saint-Antoine» ou «fièvre de Saint-Antoine», est une maladie provoquée par l' ingestion d'alcaloïdes toxiques produits par des champignons comme celui auquel nous avons affaire aujourd'hui, l'ergot. Cette intoxication peut provoquer deux principaux types de symptômes (ergotisme convulsif et gangreneux), qui surviennent souvent ensemble:

Ergotisme convulsif

Ce type d'ergotisme touche principalement le système nerveux central et se caractérise par:

• Convulsions: spasmes musculaires violents et incontrôlables qui peuvent être douloureux et prolongés.
• Hallucinations: Visions et sensations troublantes souvent accompagnées de paranoïa et de confusion.
• Maux de tête: Intenses et persistants, souvent accompagnés de vertiges.
• Psychose: altérations graves de la perception de la réalité, pouvant inclure des délires et un comportement irrationnel.

Ergotisme gangreneux

Ce type d'ergotisme touche principalement le système circulatoire et se caractérise par:

• Vasoconstriction sévère: les alcaloïdes de l'ergot provoquent un rétrécissement extrême des vaisseaux sanguins, réduisant ainsi le flux sanguin vers les extrémités.
• Gangrène: Un manque de circulation adéquate peut entraîner la mort des tissus, en particulier au niveau des extrémités, provoquant une gangrène sèche. Cela peut entraîner la perte de doigts, de mains, de pieds et même de membres entiers.
• Douleur intense: La gangrène s'accompagne généralement d'une douleur aiguë et persistante, en particulier dans les extrémités touchées.
• Desquamation de la peau: dans les cas plus graves, la peau affectée peut s'assombrir et se décoller, provoquant des plaies ouvertes.

Autres effets:

• Nausées et vomissements: fréquents aux premiers stades d’une intoxication.
• Diarrhée: peut survenir en même temps que d'autres symptômes gastro-intestinaux.
• Sensation de brûlure: Une caractéristique classique de l'ergotisme gangreneux, qui donne naissance au terme « feu de Saint-Antoine », en raison de la sensation de brûlure intense au niveau des extrémités.

Historiquement, l'ergotisme était responsable d'épidémies au Moyen Âge, notamment en Europe, lorsque l'ergot contaminait le pain de seigle. Cette maladie a causé des souffrances extrêmes et, dans de nombreux cas, la mort, jusqu'à ce que son origine soit comprise et que des mesures soient prises pour contrôler le champignon dans les cultures céréalières. Plus tard, et une fois que certaines de ses propriétés médicinales ont été découvertes, il a commencé à être utilisé comme traitement pour diverses affections.

De l'acide lysergique au LSD

Le processus de conversion de l’acide lysergique en LSD (diéthylamide de l’acide lysergique) est une procédure chimique qui implique une série de réactions soigneusement contrôlées. Nous expliquons comment ce processus est effectué en termes généraux:

1. Obtention de l'acide lysergique: Le point de départ est l'acide lysergique, qui comme on le sait est obtenu à partir des alcaloïdes présents dans Claviceps purpurea. Ces alcaloïdes, comme l'ergotamine, contiennent le noyau d'acide lysergique, qui est isolé par des processus chimiques qui éliminent les parties indésirables de la molécule. Cet isolement est généralement réalisé dans un laboratoire spécialisé en raison de la complexité et du danger de la procédure.
2. Activation de l'acide lysergique: L'acide lysergique sous sa forme pure n'est pas encore du LSD. Pour transformer l’acide lysergique en LSD, il faut d’abord activer la molécule. Cela se fait généralement en réagissant avec le chlorure de phosgène pour former un intermédiaire réactif appelé «chlorure d'acide lysergique».
3. Amidation: L'étape clé dans la conversion de cet intermédiaire en LSD est une réaction d'amidation. À cette étape, le chlorure d’acide lysergique réagit avec la diéthylamine, un composé organique qui introduit le groupe amide dans la molécule. La diéthylamine se lie à l'acide lysergique sur un site spécifique, formant la structure du LSD.
4. Purification: Après la réaction, le LSD brut doit être purifié pour éliminer tous les sous-produits ou impuretés formés au cours du processus. Ceci est réalisé grâce à diverses méthodes, telles que la recristallisation, où le LSD est dissous dans un solvant approprié puis précipité sous une forme cristalline pure.
5. Stabilisation: Enfin, le LSD pur est stabilisé, car la molécule est sensible à la lumière et à la chaleur, ce qui peut la dégrader rapidement. Pour préserver sa puissance, le LSD est conservé dans l’obscurité et dans un endroit frais, souvent sous forme de cristaux ou dissous dans des solutions alcoolisées.
6. Formulation: Le LSD est généralement dissous dans un liquide et déposé à petites doses sur du papier buvard (appelé «buvard»), de la gélatine ou des micropoints pour la distribution. Ces formes permettent un dosage précis, car la quantité active de LSD est extrêmement faible.

D'une manière générale, la conversion de l'acide lysergique en LSD est un processus chimique assez sophistiqué qui implique la création d'un intermédiaire réactif, sa réaction avec la diéthylamine et la purification ultérieure du produit final. Cette procédure nécessite non seulement une connaissance approfondie de la chimie organique, mais également un environnement contrôlé pour garantir la pureté et la stabilité du LSD.

Vous voyez, l'histoire de l'ergot et son lien avec le LSD nous montre comment quelque chose d'aussi petit qu'un champignon peut avoir un impact gigantesque sur la science, la médecine et la culture. Des épidémies dévastatrices d'ergotisme au Moyen Âge à la révolution psychédélique du XXe siècle et à l'utilisation du microdosage au cours du siècle actuel, l'acide lysergique nous a emmenés dans un voyage inattendu à travers les frontières de l'esprit et de la chimie. Ce lien fascinant entre la nature et la science rappelle que les plus grandes innovations peuvent surgir des endroits les plus inattendus.

Références:

• El cornezuelo del centeno (I): biología, historia y ergotismo, Carlos Illana
• Methods of Lysergic Acid Synthesis—The Key Ergot Alkaloid, Michał Jastrzębski, Agnieszka Kaczor, Tomasz Wróbel
• Overview of the synthetic approaches to lysergic acid as a precursor to the psychedelic LSD, Michael J. Nutt, Nick Woolf, Scott G. Stewart