Hashishene, le nouveau terpène du cannabis
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Haschisch et terpènes
Comme nous le savons déjà, le goût et l’odeur de nombreux végétaux sont la conséquence d’une production de terpènes. Il existe un grand nombre d’hydrocarbures organiques dérivés de l’isoprène (CH2=C(CH3)CH=CH2) et qui composent les résines et huiles essentielles des plantes, apportant ainsi un profil unique de saveurs pour chaque individu en fonction de la combinaison de terpènes. Ils sont également appelés terpénoïdes quand ils subissent une oxydation ou un processus de recombinaison moléculaire. Nous savons déjà également, que de nombreux terpènes du cannabis possèdent des propriétés médicinales de grande importance.
Durant le processus de floraison, de plus en plus de terpènes sont sécrétés à l’intérieur des têtes des trichomes, le profil de terpènes de la plante évolue donc une fois pendant la maturation des têtes. Il se passe le même phénomène durant le séchage et le curing (affinage) des buds, le processus d’oxydation et de décarboxylation partiel auquel sont exposés les têtes font varier la composition des terpènes avec le temps.
Certains terpènes se dégradent plus rapidement que d’autres et font donc évoluer le profil organoleptique de la plante, la seule façon de limiter ce phénomène est de conserver la récolte sous vide et dans des conditions idéales. Il faut rappeler qu’à l’heure actuelle plus de 100 terpènes sont répertoriés pour le cannabis. Cela explique donc pourquoi l’odeur et la saveur d’une tête de cannabis évoluent tout au long du séchage et du curing.
Tous les amateurs de concentrés de cannabinoïdes auront probablement remarqué que la plupart du temps, le processus d’extraction modifie le profil de terpènes du cannabis. Le résultat du concentré de cannabinoïdes perd certaines caractéristiques organoleptiques observées sur la tête ayant servie à l’extraction. Ainsi, les extractions de cannabis tels que le haschisch possèdent une odeur et une saveur en commun - avec de légères variations - quelle que soit la variété utilisée. Cela se produit principalement quand de l’herbe sèche est utilisée.
En effet, comme nous l’avons déjà commenté dans nos articles sur le Fresh Frozen et le Fresh Chilled, les concentrés effectués avec de l’herbe fraiche proposent une odeur et une saveur beaucoup plus proche de celle de la plante vivante. Quoi qu’il en soit, isoler et concentrer les glandules de résine aura pour conséquence de limiter l’éventail de terpènes, il est donc moins possible d’apprécier la « personnalité » de chaque échantillon sous cette forme. Mais pourquoi est-ce que cela se produit ?
Étude sur les composants volatiles du Cannabis Sativa
Une étude conduite par Jean-Jacques Filippi, Marie Marchini, Céline Charvoz, Laurence Dujourdy et Nicolas Baldovini (« Multidimensional analysis of Cannabis volatile constituent: Identification of 5,5-dimethyl-1-vinylbicycle[2.1.1] hexane as a volatile marker of haschisch, the resin of Cannabis sativa L. ») et réalisée à Nice (France) fin 2014 semble avoir trouvé la raison de ce phénomène. D’après ces chercheurs, la saveur typique du Haschich présente dans de nombreuses extractions de résine réalisées à partir de têtes sèches, est le résultat de la dégradation d’un seul terpène, lequel produit un monoterpène rare et inhabituel (5,5-dimethyl-1-vinylbicyclo[2.1.1]hexane).
Les cinq chercheurs proposent dans cette étude un nom pour ce monoterpène particulier : Hashishene. Alors que le réarrangement du myrcène et la formation du 5,5-dimethyl-1-vinylbicyclo[2.1.1]hexane ont déjà été étudié par Robert S.H. Liu et George S.Hammond en 1965 (US 3380903 A), ce phénomène n’avait auparavant jamais été observé sur des échantillons de haschisch.
Les composés volatils des échantillons utilisés pour réaliser l’étude (têtes fraiches, têtes sèches et haschich) ont été observés grâce à une micro-extraction sur phase solide (HS-SPME) et une chromatographie en phase gazeuse (GC-MS, GCxGC-MS). Cela a permis de montrer une différence claire dans les profils de terpènes entre l’échantillon d’herbe et de haschich, principalement dû à la photo-oxydation de la matière végétale durant le processus de séchage et d’extraction.
Les échantillons de haschich analysés ont montrés des concentrations considérables d’un monoterpène rare parmi les composants volatiles, provenant de la tranformation du beta-myrcène durant la fabrication du hashisch. De plus, les chercheurs affirment que ce monoterpène serait unique à la plante de cannabis, ils ont donc proposé d’appeler ce nouveau marqueur génétique volatile Hashishene.
Étudions à présent plus en profondeur ce qu’est le beta-myrcène et la façon dont il se dégrade en Hashishene.
Qu’est ce que le beta-myrcène ?
Le Beta-myrcène - également connu comme myrcène - est un hydrocarbure naturel (7-Methyl-3-methylene-1,6-octadienne), il s’agit d’ailleurs de l’un des monoterpènes possédant la plus forte concentration sur la plante de cannabis (on en trouve également dans le houblon, le persil ou certaines baies).
Il est largement utilisé dans la production de parfum pour son odeur plaisante, bien qu’il soit instable dans l’air et qu’il ait tendance à se polymériser. Son nom provient de Myrcia sphaerocarpa, une plante médicinale originaire du Brésil et proposant des taux importants de myrcène.
Le Myrcène est également le précurseur d’autres terpènes, les aidant à se former, il agit aussi en synergie avec leurs propriétés antibiotiques. On pense également qu’il joue un rôle crucial dans les effets du cannabis. Une étude conduite en Suisse en 1997 montre que le myrcène est le terpène le plus courant dans 16 espèces de cannabis différentes, représentant pour la plupart plus de 50% de la concentration total de terpènes.
Le Myrcène peut changer la perméabilité des membranes cellulaires pour permette au cerveau une meilleure absorption des cannabinoïdes, régulant ainsi l’effet des autres cannabinoïdes (de la même façon que le fait le CBD). On pense également que le Myrcène rend le THC, le CBD et le CBG plus efficaces.
Le Myrcène possède de nombreux effets thérapeutiques, en particulier pour relaxer les muscles et combattre la douleur. Il offre également des propriétés antidépressives et anti-inflammatoires, mais possède aussi des effets antimicrobiens, antioxydants, antiseptiques et anti-cancérigènes. Il ralentit le développement des bactéries, inhibe la mutation des cellules (un facteur très important pour combattre le cancer), il supprime les spasmes musculaires et il est utilisé pour traité les psychoses grâce à son effet calmant et tranquillisant.
Son odeur est très complexe, dégageant des flagrances terreuses, balsamiques et épicées, mais également des réminiscences de raisins, de pêche, de vanille, de pelouse, de bois et de poivre. L’odeur et la saveur se dissipent en cas de températures élevées.
Beta-myrcène:
- Nom: 7-Methyl-3-methylene-1,6-octadiene
- Formule: C10H16
- Poids moléculaire: 136.23404 g/mol
- Point de décarboxylation: 115-145ºC (239ºF – 293ºK)
- Point d’ébullition: 168ºC (334ºF , 442ºK)
- Pression critique: 2421.88 kPa
- LD50 (dose létale): > 5g/kg
Utilisation thérapeutique du myrcène:
- Analgésique - Soulage la douleur
- Antibactérien - Ralentit le développement des bactéries
- Antidiurétique - Réduit les effets du diabète
- Anti-inflammatoire - Réduction systématique des inflammations
- Anti-insomnie - Aide a lutter contre les troubles du sommeil
- Anti-prolifératif/Anti-mutagène - Inhibe la mutation des cellules, incluant celles des cellules cancéreuses
- Antipsychotique - Effets tranquillisant, calme les effets de psychose
- Antispasmodique - supprime les crampes musculaires
Le « Hashishene » comme réarrangement du beta-myrcène
Nous savons que le cannabis contient de grandes quantités de monoterpènes et de sesquiterpènes. Alpha et beta-pinène, beta-myrcène et limonène sont les monoterpènes les plus fréquemment trouvés, alors que les sesquiterpènes dominant sont le beta-caryophyllène et l’alpha-humulène. Sept des dix échantillons utilisés lors de l’étude contenaient d’importantes concentrations de beta-myrcène (19,5-28,7%), mais quant est-il des échantillons de haschisch ?
Après une première série d’analyses, les chercheurs ont pu observer que chaque échantillon de haschisch contenait des concentrations remarquables d’un monoterpène inhabituel - 5,5-dimethyl-1-vinylbicyclo[2.1.1]hexane - s’éluant avant l’alpha-pinène. Cette découverte s’est avérée surprenante, étant donné qu’il n’avait été isolé qu’une seule fois avant cette étude - bien qu’identifié d’abord sur une espèce de Boswellia- et qu’il s’agit d’un composant de l’huile essentiel de Mentha cardiaca L.
De plus, lors d’une deuxième série d’analyses, le « hashishene » a été observé dans presque tous les échantillons de haschich parmi les composants apolaires les plus abondants (1,1-14-9%), alors qu’il n’était présent qu’en faibles concentration dans les échantillons de cannabis d’herbe sèches et fraiches. Un total de 186 composants ont été identifiés durant cette analyse.
Avant cette étude, le beta-myrcène était déjà considéré comme l’un des composants volatils les plus abondants sur le cannabis, il avait même été proposé comme marqueur spécifique du cannabis. En accord avec les résultats de cette étude, la présence de hashishene serait la conséquence directe de la grande quantité de beta-myrcène détectée sur les têtes de cannabis fraîches. En s’appuyant sur l’origine photolytique du hashishene, les chercheurs déclarent que l'exposition à la lumière pourrait être l’un des facteurs de formation de hashishene depuis le beta-myrcène.
Tous les échantillons de haschisch ont montré une plus grande diversité de terpènes oxydés en comparaison avec les têtes de cannabis, mais également beaucoup d’alcool, d’aldéhydes et de cétones qui pourraient être liés aux hydrocarbures rencontrés dans le cannabis. Ils ont pu observer que la plupart de ces dérivés oxydés provenait en fait des terpènes initiaux, plus spécifiquement via un processus de photo-oxydation.
Un autre composant volatil détecté en grand quantité dans la plupart des échantillons de haschisch est un dérivé du caryophyllène et d’humulène – ils ont également trouvés des alcanes linéaires, des esters, des acides gras et des alcools – tous sont le résultat d’un processus d’isomérisation, de déshydratation, de cyclisation et de photo-oxydation qui se produisent lors de la fabrication du haschich.
Les chercheurs proposent de nommer le monoterpène 5,5-dimethyl-1-vinylbicyclo[2.1.1]hexane – un réarrangement photolytique du beta-myrcène - « hashishene » car il ne se trouve quasiment dans aucune autre huile essentiel mais également pour sa forte concentration dans le haschisch.
Hashishene :
- Nom : 5,5-dimethyl-1-vinylbicyclo[2.1.1]hexane
- Formule : C10H16
- Poids moléculaire : 136,234 g/mol
- Point d’ébullition : 161ºC (321ºF, 434ºK)
- Pression critique: 3022.28 kPa
Vous pouvez consulter l’étude dans son intégralité en suivant ce lien.